MARIE BLOCH (1902-1979)
Une victoire
sur les contraintes sociales
du XXe siècle
I - Avant-propos
À l'époque où sa carrière prenait son essor, Marie Bloch dut se battre contre deux "prédestinations" : être femme, et être d'ascendance juive. Une jeune fille de la fin du XIXe siècle n'était pas naturellement destinée à la recherche scientifique, et surtout pas dans le domaine des sciences "dures" : elle allait pourtant réussir à y atteindre un sommet. Ses origines lui donnaient une culture israélite, la classant de fait dans une catégorie grise, méprisable aux yeux d'une portion notable de la population de notre pays. Cette anti-sémitisme ordinaire, explosant dans le déchaînement de la seconde guerre mondiale, aurait dû l'engloutir : elle lutta, trouva de l'aide, survécut et fit la carrière dont elle rêvait ...
C'est cette histoire, simple ou extraordinaire, exemplaire en tout cas, que nous vous présentons ici.
Pour que le tableau soit plus complet, j'ai mélé Histoire et petites histoires : l'Observatoire de Lyon était animé
par des personnalités intéressantes à bien des égards. Marie Bloch n'y a pas connu que des drames, il s'est aussi passé
des choses curieuses ou amusantes dans les observatoires.
La carrière de M. Bloch s'acheva cinq ans seulement après que je sois arrivé à l'Observatoire, à Saint-Genis-Laval,
et sa réserve naturelle fit que j'échangeais peu avec elle en ce lieu. Ce sont les témoignages de collègues un peu plus âgés
comme Madeleine Lunel ou Agop Terzan qui m'ont aidé à mieux la connaître. Cela n'est pas nécessairement un inconvénient :
la parole est parfois plus libre, ainsi. En revanche, pendant ces cinq ans, en d'assez nombreuses occasions
j'ai approché Mademoiselle Bloch en mission à l'Observatoire de Haute Provence.
Les citations liées à l'histoire de l'astronomie française et à son organisation sont souvent tirées d'une communication
personnelle de Philippe Véron (Astronomes français 1850-1950, 1980, preprint).
Le présent document est un développement d'un article publié en 2013 dans la revue
l'Araire (s1). Une revue de grande qualité,
consacrée depuis plus d'un demi-siècle à l'histoire patrimoniale régionale, et publiée par l'association éponyme.
Il va sans dire que je n'ai aucun intérêt personnel dans la vente de cette revue, et que je n'en pense pas du bien
seulement parce que le présent sujet y fut accepté !
II - Une petite lyonnaise, d'origine alsacienne
Marie Cécile Bloch est née à Lyon le 26 Juillet 1902, dans une famille de cinq enfants qui habitait Quai Tilsitt avant de déménager rue Neyret. Elle était issue d’une famille française de confession juive installée en Alsace à Hegenheim (Haut-Rhin) avant la fin du XVIIe siècle. Ses grands-parents optèrent en 1872 pour la conservation de leur nationalité française (Note 1). Les grands-parents de Marie firent un bref passage à Avenches (Suisse, canton de Vaud), pour s'établir finalement à Lyon avant la fin du XIXe siècle, ville où décéda en 1891 le grand-père Meinrad Bloch qui avait choisi la France en 1872. Le père de Marie, Salomon, né à Avenches, décéda à Lyon en 1923. Sa mère Sarah Trier mourut dans cette même ville en 1933 (s2).
III - L'orée du XXe siècle, période difficile pour l'astronomie française
À la naissance de Marie, l’Observatoire de Lyon installé à St-Genis-Laval n’avait que vingt-quatre ans d’existence.
C’était le troisième observatoire de la ville, succédant au second installé dans le Palais Saint-Pierre
pendant quelques années, qui lui-même avait remplacé celui occupé par les Jésuites au Collège de la Trinité
(actuel Lycée Ampère) ; l’histoire de sa création est exposée en détail dans un article d’Alain
Brémond (s3), ainsi que dans un article du présent site de Séléné.
Avec Besançon et Bordeaux, cet établissement faisait partie d’un groupe de trois
“observatoires des départements” créés simultanément par la IIIe République : après le désastre de 1870, le pays était porté
par un intense patriotisme et une forte volonté de refondation. Jusqu’à la fin du siècle, des réformes démocratiques
essentielles allaient être menées à bien, et la recherche scientifique - l’Astronomie en particulier - connaître un bel essor.
Des structures disparues depuis la Révolution, qui nous sont aujourd’hui familières, comme les universités de province,
n’allaient toutefois être recréées qu’en 1896 ; auparavant, des groupes de facultés vivotaient en délivrant
le diplôme du baccalauréat, se contentant de fonctionner avec très peu d'étudiants. Ceux-ci, depuis des lycéens
jusqu’à des retraités divers, étaient en nombre et niveaux très variables d’une année sur l’autre, et seule une petite
poignée de diplômes étaient délivrés chaque année. À partir de 1896, la ville de Lyon allait se doter d’une université
regroupant quatre facultés gérées indépendamment, dont celle des Sciences, avec un fonctionnement proche de celui
que l’on connaît aujourd’hui.
L’Observatoire était lié à l’Université, et depuis 1912, le directeur en était Jean Mascart, venu de l’Observatoire de Paris,
scientifique de valeur au caractère réputé difficile (ce qui était dans le droit fil de son prédécesseur Charles André).
Le personnage haut en couleur de Jean Mascart était suffisamment connu pour être croqué - quoique très adouci - par Christophe
dans Les aventures du sapeur Camembert, sous le pseudonyme transparent de Jean Scarmat.
Le directeur d’un observatoire de province était alors nécessairement titulaire de la chaire d’astronomie
à la Faculté des Sciences de la ville. À Lyon, J. Mascart assurait de surcroît
l’enseignement du certificat de Calcul Intégral et Différentiel. Il intervenait aussi dans d’autres établissements
comme l'Ecole Technique Municipale de Jeunes Filles, dont il était même membre du Conseil d’Administration.
Cette activité débordante amenait des rémunérations conséquentes : vers 1890, les deux traitements (Faculté + Observatoire)
totalisaient déjà 11 à 12000 F annuels à eux seuls. Dans le même temps, les élèves-astronomes devaient se contenter
d’un maximum de 1800 F, et ne survivaient qu’en donnant force cours particuliers de mathématiques.
Comme le soulignait amèrement Georges Rayet, alors directeur de l’Observatoire de Bordeaux : Comment voulez-vous
qu’un bon licencié, intelligent, assuré d’avoir 2400 F et des leçons dans un collège, presque certain de parvenir rapidement
dans un lycée [...], accepte d’entrer dans un observatoire pour y obtenir les 1800 F d’un élève-astronome et être maintenu
à ce traitement pendant trois ans ? (s8)
Un quart de siècle plus tard, J. Guillaume (astronome adjoint à Lyon) pouvait
encore écrire : On s’inquiète, avec juste raison, de l’abaissement de la natalité en France ; on constate que les mariages
tendent à diminuer, qu’ils sont plus tardifs qu’autrefois, et aussi moins prolifiques. Eh bien, vraiment, peut-on faire
grief de ne pas se marier au jeune homme sortant du régiment, que sa vocation pousse vers les études astronomiques
ou météorologiques, et qui entre dans un observatoire comme stagiaire ? À ce titre, il pourra toucher (peut-être !)
une indemnité de 1800 F. Un ouvrier, lui au moins, pour qui l’on tend activement à assurer ce minimum de 1800 F,
a l’avantage sur le fonctionnaire de pouvoir épouser une femme à laquelle il n’est pas défendu, par les convenances,
de travailler dans l’industrie ou le commerce, d’où un apport supplémentaire, dans son mariage, de 1000 ou 1200 F.
Ses besoins étant beaucoup moindres, il pourra élever des enfants moins difficilement que le fonctionnaire à qui l’État
impose un “habit noir” qui ne réussit pas toujours à cacher la misère. [...] Voyez-vous l’astronome dont la femme
serait blanchisseuse, employée, ou caissière dans une épicerie ou une
boucherie ? (s9)
Vers 1920 les salaires des astronomes
qui, au début du siècle, étaient supérieurs à diplôme égal à ceux des enseignants de la Faculté en reconnaissance de leur
travail nocturne, n’avaient que été faiblement revalorisés, et se trouvaient très en-dessous de ceux de leurs collègues ;
le résultat, prévisible, était que le niveau du recrutement avait considérablement baissé faute de candidats valables.
À côté des ces problèmes de salaire, M. Bloch allait découvrir une institution qui s’était stérilisée dans des domaines
de recherche d’une autre époque, absorbant pour des tâches routinières la majorité du maigre corps des astronomes,
s’équipant pour cela de coûteux instruments du XIXe siècle, et dans l’incapacité d’effectuer le virage vers l’astrophysique
stellaire moderne. C’est le Front Populaire qui en 1936 allait tirer finalement l’Astronomie Française de ce marasme ...
IV - Études lyonnaises
À Lyon l’École Technique Municipale, où enseignait J. Mascart, avait été fondée en 1917 par Edouard Herriot, maire de Lyon. Destinée à former en deux ans les cadres intermédiaires de l’industrie et du commerce, cette école était établie dans les locaux de la Faculté de Droit, 32 rue Cavenne ; elle allait migrer plus tard 35 rue Bossuet. Les études étaient payantes, et ceci constituait une grande différence avec La Martinière : 450F en première année, 600F en seconde année ce qui n’était pas négligeable, mais des bourses étaient accordées, suffisamment pour que toutes les demandes soient satisfaites. Les promotions variaient entre 70 et 90 élèves. Les jeunes filles étaient supposées posséder à l’entrée un très bon bagage général. Elles étudiaient l’anglais plus une seconde langue, et recevaient un enseignement à but strictement professionnel leur permettant d’occuper “des situations honorables et lucratives dans le commerce et l’industrie”.
Malheureusement, les louables intentions d'E. Herriot devaient affronter les pesanteurs de la société d’alors,
et les jeunes filles ne pouvaient guère espérer trouver à la sortie des postes et des rémunérations équivalents
à ceux des jeunes hommes ayant suivi des formations du même niveau. En conséquence, l’école allait rapidement dériver
vers une filière d’approfondissement de la culture générale, pour former ce qu'on pourrait appeler
des "mères de famille cultivées" (s4),
bien loin de l'ambition de départ. Pour réorienter l'établissement
vers son objectif initial, il allait être en 1929 intégré à la Martinière dont il devenait la section supérieure.
C’est là qu’étudia M. Bloch, entrée en 1918 avec son BEPS, et diplômée en 1920 dans la seconde promotion. C’est aussi
là qu’elle connut Jeanne Gauthier (s10)
qui devait être de la première promotion et qui nous a rapporté maintes
anecdotes éclairantes, comme celle-ci : On avait, comme professeur de mathématiques, Mr. Mascart.
Il était entre autres chargé des colles
(interrogations orales, en langage étudiant) du soir. Moi j'avais une frousse de ce bonhomme ! Un jour, avec Marie Bloch
- peut-être, je ne sais pas - il nous demande d'aller suivre ses cours à la Faculté .... Voilà donc comment M. Bloch
fut lancée dans le cycle des études supérieures. À la Faculté des sciences,
Marie obtint à partir de 1923 le certificat de Mathématiques Générales, puis ceux de Calcul Différentiel et Intégral,
Mécanique Rationnelle, Physique Générale et Astronomie Approfondie : une très solide formation de départ pour l’astronomie ...
V - Marie Bloch découvre l'Observatoire
Employer une jeune fille ?
Les deux jeunes filles, auquelles il convient d'ajouter Mlle Reynaud, autre condisciple de l'école Technique ou de la Faculté, avaient donc été remarquées par J. Mascart. Le Directeur de l'Observatoire de Lyon était un ardent défenseur de l’enseignement pour tous, filles et garçons. À l’époque, cette ouverture d’esprit n’allait pas de soi. On peut citer ce fragment d’une lettre écrite en 1916 par Picart, directeur de l'Observatoire de Bordeaux, au ministre (s11) : [...] Le travail des observatoires comporte essentiellement des observations de nuit ; l’expérience de ces observations ne s’acquiert que par une pratique assez longue ; il n’est pas possible, au moins dans le début, de confier un instrument soit à une femme seule soit à deux femmes ; un astronome et le stagiaire devront observer la nuit dans un bâtiment isolé ; il y a là une source d’inconvénients sur lesquels je n’insisterai pas. [...] Les observateurs devraient tous être logés à proximité des instruments ; [...] est-il possible d’attribuer un logement à une jeune fille dans une aile de bâtiment qui n’abrite que des chambres de garçons ?
Mais J. Mascart avait aussi un autre intérêt, beaucoup plus immédiat, dans cette recherche des bons élèves de l’agglomération lyonnaise. Au sortir de la Grande Guerre, la situation était très difficile pour l’Observatoire, dans un pays exsangue. Dans son rapport pour cette année-là, le directeur analysait en quelques pages bien senties la situation des observatoires, leurs relations avec les universités, avec l'État, leur financement, leurs problèmes de recrutement. Le budget pour 1921 était dérisoire, puisque c'était exactement celui de 1914 : Le chapitre Achat et Entretien des Instruments est entièrement absorbé par l'Administration des PTT qui a simplement multiplié ses tarifs par quatre. L’astronomie française du début du XXe siècle était donc une astronomie pauvre, affligée de plus d'un très faible rendement : les instruments n’étaient absolument pas automatisés, les observations purement visuelles, les calculatrices électroniques n’existaient pas. Il fallait beaucoup de personnel, qu’on ne pouvait guère rémunérer, pour assurer une collecte de mesures conséquente, et le traitement de ces données. Le personnel de l’Observatoire était alors squelettique : cinq titulaires, Directeur inclus, pour animer trois sites d’observation : St-Genis-Laval, le Mont Verdun, le Parc de la Tête d’Or (Note 8). Le système ne fonctionnait qu’avec un recrutement constant de semi-bénévoles, payés au lance-pierre selon l’expression consacrée. Un document de cette époque décrit le statut peu enviable d’un de ces “esclaves” comme celui d’ assistant stagiaire à titre provisoire ! Le Directeur devait donc sans cesse extraire de nouveaux candidats de l’assistance à ses cours de la Faculté des Sciences. Et, tant qu’à faire, il prenait de préférence ce qu’il y avait de plus docile et de moins exigeant comme esclaves : de jeunes étudiantes !
Petit boulot d'abord, puis stagiaire ...
Le 19 Août 1919, M. Bloch répondit à une première offre de son professeur : il s’agissait de reproduire son cours de mathématiques par polycopie (par Ronéo, selon l’expression de l’époque) ; Marie fabriquait les matrices chez elle, puis allait faire les tirages au Parc de la Tête d’Or, où l’Observatoire disposait de locaux dans ce qu’on appelle toujours la ferme (s5). On peut supposer que J. Mascart avait le dessein de vendre son cours aux étudiants, ce qui était bien dans sa manière de faire, plaisantait, 70 ans plus tard, Madame Grouiller : Il n’y avait pas pour lui de petit profit ! Le Directeur qui devait sans cesse jongler avec des crédits officiels au maigre montant était sans doute enclin à rechercher de menues sources de revenu pour les petites dépenses de son observatoire ...
M. Bloch sollicita ensuite d’être admise en stage à l’Observatoire. Sans surprise, cette demande fut acceptée, et le 1er Septembre 1920 Marie intégrait le personnel auxiliaire ; notons au passage que statutairement les stagiaires n’étaient pas rémunérés (un décret du 28 Juin 1910 rendait toutefois possible une indemnité annuelle ne pouvant dépasser 1800 F, somme qui fut toutefois régulièrement réévaluée) (Note 6), et que la durée du stage était de deux ans à l’issue desquels aucune garantie d’emploi n’était acquise, même si c'était dans les faits la filière "normale" pour devenir assistant d'observatoire. Marie fera ... six ans de stage, tant était grande la pénurie de postes, mais J. Mascart qui connaissait sa valeur la laissa poursuivre ses études en même temps. En attendant, elle retrouva à l'Observatoire J. Gauthier, sa camarade de l’École Technique, et aussi Mlles Bellemin, Pinard, Reynaud et Barthélemy, autres jeunes “esclaves” ! La lettre reproduite plus haut semble indiquer, par l'usage de l'expression "chez nous", que Marie Bloch et Mlle Reynaud occupèrent un temps, à deux, un petit logement d'étudiant. Plus tard, M. Bloch se vit attribuer une petite chambre à l'Observatoire, observations nocturnes oblige.
Il est amusant de noter que Mlles Gauthier et Barthélemy allaient bientôt épouser, respectivement,
Henri Grouiller (jeune assistant) et Joseph Guillaume (astronome adjoint), tous deux membres du personnel
de l’Observatoire ; finalement, Picart n’avait pas tout à fait tort de s’inquiéter !
Travail de jour, travail de nuit
Au tout début de son séjour à l’Observatoire, à l'époque où elle préparait aussi ses baccalauréats, M. Bloch n'observait
pas la nuit, mais travaillait dans la journée sous la direction de Charles Gallissot à la réduction des observations méridiennes.
Un travail d’écritures et de mathématiques extrêmement répétitif, exigeant un soin absolu, qui devait aboutir d’une part
à une détermination très précise de l’heure, d’autre part à la construction de catalogues de positions très précises
d’étoiles choisies. Elle redescendait à Lyon le soir, utilisant sans doute le tramway électrique dont
une station était sur la place de St-Genis-Laval depuis 1894. Cela ne pouvait durer, et bientôt elle allait faire partie
de la petite société qui, observant les étoiles, devait habiter sur place.
Au premier étage du bâtiment principal
de l’Observatoire, dit bâtiment Lagrange en raison de la présence du buste de ce mathématicien au-dessus du sas d’entrée,
étaient trois chambres occupées par H. Grouiller, Mlles Gauthier et Pénard, et Calixtina Bac, avec un cabinet de toilette
entre les deux chambres de ces demoiselles, et enfin une petite salle à manger où l’on pouvait déjeuner le matin.
Les toilettes étaient sur le palier, en haut de l'escalier. J. Gauthier se souvenait bien de cette époque :
J'ai eu une chambre, où on cassait la glace dans sa cuvette, l'hiver, pour faire sa toilette. Au rez-de-chaussée
était la bibliothèque, gérée par J. Guillaume.
Au sous-sol étaient la chambre de M. Bloch, le bureau de C. Bac
(qui faisait partie du personnel stable, avec le grade d’assistante), la salle des pendules.
Mme Grouiller avait gardé un souvenir vivace de C. Bac, aveyronnaise de Millau, personne tout à fait charmante,
toujours à la recherche des “bons” cocons d'araignée pour pouvoir remplacer les très fragiles fils des réticules
de la lunette méridienne !
Au pavillon météo était logé Philippe Flajolet, aide-astronome, qui logeait en permanence
à l'Observatoire avec sa famille, et dont elle avait également conservé une très bonne image :
Oh quel bon garçon, Mr. Flajolet ! Il était amusant tout plein ...
Le directeur J. Mascart occupait le vaste pavillon que son prédécesseur, le fondateur Charles André, avait fait établir
près de l’entrée de l’Observatoire, côté Est. Mr Fournel, jardinier, logeait dans une maison voisine du porche d’entrée,
côté Ouest.
VI - Les débuts d'une jeune astronome
Formation tous azimuts
C’est J. Guillaume qui se chargeait de la formation des jeunes observatrices ; on ne sait s’il était simplement très exigeant
- c’était un passionné absolu d’astronomie, et un travailleur infatigable - mais il était vivement craint par M. Bloch
et J. Gauthier. La jeune Marie commença son apprentissage d’observatrice sur l’équatorial de 16cm dit équatorial Brunner
du nom de son fabricant ; cet instrument avait été le premier mis en service en 1882, dans sa coupole de zinc à bords
ouvragés, construite à l’extrémité Sud du plateau de Beauregard. Il était utilisé de nuit pour l’observation des étoiles,
mais aussi dans la journée pour la surveillance de l’activité solaire, un domaine très actif dont J. Guillaume
était le responsable. M. Bloch se forma aussi à l’utilisation de la TSF, une nouveauté apportée par la guerre,
qui avait de fait interrompu la fourniture de l’heure à la Ville de Lyon (cette heure, transmise par une ligne filaire
directe jusqu’au Palais Saint-Pierre, était de là distribuée aux nombreux cadrans installés dans les carrefours
de l’agglomération), sous la direction de Ph. Flajolet. Elle fut aussi chargée avec Mlle Barthélemy de dépouiller
les observations météorologiques reçues des correspondants de la Loire, ou encore apprit avec C. Bac à choisir,
dans la grande galerie souterraine de l’observatoire, les fameux fils d’araignée propres à garnir les réticules des divers instruments.
Bref, elle apprit tous azimuts, bouchant les trous, tout en préparant ses deux baccalauréats
qu’elle allait obtenir en 1921 et 1922 !
La météorologie était en train d’échapper définitivement à l’observatoire. On créa d’ailleurs, fin 1920, la station de Bron
dépendant directement du nouvel Office National de Météorologie né en 1919.
Le directeur de l’Observatoire de Lyon était ulcéré par cette réorganisation,
lui qui recommandait au contraire de donner plus de moyens aux observatoires pour qu’ils puissent développer
la météorologie. Les stagiaires lyonnais commençaient traditionnellement par s'occuper des observations météorologiques.
Mascart avait raison : la météorologie était une science d’avenir. Mais une séparation franche d’avec
l’astronomie était inévitable, et finalement bénéfique.
Une stagiaire appréciée, mais six ans durant !
Marie Bloch, qui n’allait pas longtemps toucher à la météorologie, n’avait pas été choisie au hasard et ses qualités allaient être très rapidement reconnues : dès 1921, de jour, elle observait seule à l’équatorial Brunner. Elle y participa ensuite à des innovations, comme l’essai d’un dispositif spectrographique proposé par Gallissot. Elle observa aussi seule à l’équatorial Eichens-Gautier, instrument de même taille que le Brunner, installé dans une petite coupole voisine. À partir de 1923, elle utilisa une nouvelle chambre photographique, équipée d'un triplet Zeiss, installée sur le Brunner pour réaliser des observations photométriques d’étoiles : on entrait ainsi dans l’astrophysique, en s’intéressant au fonctionnement des étoiles, et plus seulement à leurs positions sur le ciel. Tout cela en dépit d’incessants problèmes mécaniques, produits d'un entretien négligé en raison des crédits très insuffisants. En parallèle, elle continuait à travailler sur les catalogues d’étoiles, ou encore au fonctionnement de l’Association Française des Observateurs d’Étoiles Variables, branche française d’une structure internationale qui fédérait dans ce domaine les observations d’amateurs éclairés et le travail des chercheurs.
En 1924, envisageant de la titulariser, J. Mascart chercha à se renseigner sur la moralité de sa jeune recrue,
une démarche classique à l’époque. Bien que profondément athée, il sollicita à cette fin les responsables de la synagogue
lyonnaise, et reçut cette réponse de l’épouse du rabbin : Évidemment, Marie manque un peu de distinction et de vernis,
mais ne demande qu’à s’élever intellectuellement et s’observe quand elle se trouve dans un milieu différent du sien.
Elle aime la lecture ... Pour ce qui est de la situation matérielle de Madame Bloch, elle est, bien entendu, assez précaire
depuis la mort du père [décédé à Lyon le 16 Août 1923] et ce sont les enfants qui devront subvenir aux besoins de leur mère.
Marie, quoique assez froide en apparence, aime beaucoup sa mère et voudrait qu’il lui fut possible, à elle aussi,
de l’aider un peu. On sent que cette dame avait une position extrêmement traditionnelle, et était aussi consciente
d’appartenir à une classe sociale supérieure, contrairement à Marie ! Elle reconnaissait toutefois que la jeune fille
était intellectuellement tout à fait capable de s’élever. Madame était bien bonne ...
Cette même année J. Gauthier, devenue Mme Grouiller depuis un an, quitta le service de l’Observatoire. Marie commença à seconder l’époux de Jeanne au grand équatorial coudé, l’instrument de prestige de l’Observatoire, et dès 1925 en fut une utilisatrice attitrée. En 1926, après un stage interminable de six ans, elle fut enfin recrutée : nommée assistante le 16 Octobre, avec un salaire annuel de 8000F, elle devenait la responsable en titre de l’équatorial Brunner, et le resta jusqu’à la seconde guerre mondiale. L’instrument connaîtra toutefois une éclipse de quelques années quand son moteur/régulateur mécanique cessera de fonctionner, avant qu’on le remplace en 1932 par un moteur électrique. La nouvelle assistante avait maintenant un bureau, celui de l’équatorial coudé qu’elle partageait avec l'excellent H. Grouiller. Ce n’était pas toujours facile : le directeur avait trois filles très remuantes dont une des activité favorites était de venir jouer sous la fenêtre de M. Bloch pour l’empêcher de travailler.
Ambiance ...
Ces trois espiègles bondissantes menaient la vie dure à toute la société de l’Observatoire (s6). Si elles nourrissaient abondamment, à la bonne saison, les mésanges qui nichaient dans les mires du grand méridien avec les cerises cueillies dans le parc, elles avaient aussi beaucoup de passe-temps moins inoffensifs : jouer à faire ruisseler sur le parquet le mercure utilisé au même grand méridien pour certaines observations, escalader dangereusement le grand portail de l’entrée ou le haut cèdre qui domine le pavillon du magnétisme, glisser des objets divers entre les draps de lit des jeunes stagiaires, fumer en cachette dans le petit kiosque de bois au fond du parc le tabac fourni par Mr Flajolet (à la suite de quoi elles étaient trahies par leurs haleines malodorantes), et surtout terroriser leur malheureuse préceptrice ! Cette Mlle Yvonne était censée leur faire la classe l’après-midi, car il n’était pas question pour le très rationnaliste J. Mascart que ses filles mettent les pieds à l’école des sœurs. La douce Mme Mascart se chargeait le matin de leur éducation musicale : trois heures de solfège et de piano. Logée dans la maison directoriale, Mlle Yvonne naviguait au près serré entre les diablesses qu'elle était censée éduquer et le terrible Mr. Mascart. Quand, à table, celui-ci demandait si les demoiselles travaillaient bien, la pauvre préceptrice, sous le regard perçant du trio infernal, murmurait que tout était bien, que le travail avançait comme il le fallait ; en fait, après avoir découragé Mlle Yvonne et l'avoir poussée à se réfugier dans sa chambre, les trois terribles menaient le siège en jetant des pommes de pin par la fenêtre Sud, ou en glissant tout un attirail sous sa porte ! L’aînée Antoinette, qui n’était pas la pire mais sans doute la plus décidée, rêvait quand même de devenir astronome ; son père avait tout fait pour l'en dissuader, et y était finalement parvenu. Bon, alors j'épouserai un chinois ! avait déclaré l’indomptable. Ce qu'elle fit ...
Un avenir prometteur pour M. Bloch
M. Bloch travaillait sur des sujets très variés, comme les éclipses de Soleil quand il s’en présentait.
Le 24 Janvier 1925, elle notait par exemple : Éclipse de Soleil à l'équatorial Eichens,
les arbres cachent le Soleil quelques minutes
avant le commencement de l'éclipse. Au Coudé, avec l'oculaire Grévy et par projection je note le premier contact
à 23h 37m 30s. Il s’agit bien sûr d’heures "astronomiques", pas de l’heure civile que marquent nos montres : il ne peut y
avoir d’éclipse de Soleil observable à près de minuit en France. On remarque qu’on avait négligé de tailler les arbres
suffisamment pour dégager la vision autour de la coupole Eichens, un problème récurrent dans les anciens observatoires
où les petits instruments, installés près du sol, sont facilement gênés par la végétation.
Mais cette éclipse, qui était totale aux USA, devait être fort mal placée dans le ciel français, bas sur l'horizon,
et donc sujette à l'obstruction végétale.
Ci-contre, un exemple du résultat habituel d'observations solaires visuelles hors éclipse, à l'époque de M. Bloch,
avant l'usage de la photographie : sur un disque esquissé sur une grande feuille de papier, on relevait au crayon
la position des taches solaires, leur forme, leur évolution d'heure en heure. Ce document est un peu antérieur à l'arrivée
de M. Bloch à l'Observatoire. Elle-même fut affectée de 1920 à 1940 au service de la surface solaire, dessina maintes taches
et facules, traçant les courbes des variations de l'activité solaire qui étaient transmises ensuite à l'Observatoire de Zurich
pour contribuer aux statistiques solaires de l'Union Astronomique Internationale.
M. Bloch avait aussi des activités annexes dans des domaines qui semblent aujourd’hui assez surprenants, comme celui-ci qu’on relève
dans un rapport tout à fait officiel : Un service d'avertissement des groupes importants de taches solaires fut organisé
pour un groupe de médecins, sous les auspices de la Société Médicale du Littoral Méditerranéen ; M. le docteur Maurice Faure,
en particulier, peut ainsi poursuivre ses recherches sur les relations entre les taches et les paroxysmes de certaines
manifestations morbides. Mlle Bloch, et en son absence Mlle Bac, assurent ce service d'information et de circulaires
auprès de 59 médecins.
Le 13 Septembre 1934, sous la direction de Jean Dufay qui avait succédé à J. Mascart depuis
un an (Note 2), elle accéda au grade
d’aide-astronome. La nature allait bientôt lui permettre de fêter cela dignement : le soir de Noël 1934, à l'annonce
de la découverte de la nova DQ Herculis, J. Dufay improvisa hâtivement un petit prisme-objectif, et le soir même observa
avec M. Bloch. Les novæ sont des étoiles qui présentent de très fortes “explosions” et augmentations de leur luminosité,
phénomènes qui permettent d’apprendre beaucoup de choses sur la physique interne des étoiles. Elles sont très spectaculaires
puisqu'elles se manifestent comme des "étoiles nouvelles" dans le ciel, d'où leur nom. Le spectre obtenu
pour cette nova montrait, c’était une première, la présence de bandes d'absorption du cyanogène, un composé de carbone
et d’azote ; ce corps est aujourd’hui classé dans les molécules dites prébiotiques, précurseurs de la chimie du vivant.
M. Bloch se concentra progressivement sur ces observations photométriques et spectroscopiques,
qui alimentaient sa spécialisation dans l’étude d'étoiles particulières étonnantes ( en fait tout un zoo d'étoiles
binaires très serrées : novæ, symbiotiques, etc. dont la théorie allait être développée beaucoup plus tard par
Evry Schatzman, autre astrophysicien que nous évoquerons plus loin) ou encore des comètes ...
Sa carrière était lancée !
VII - D'autres en avaient décidé autrement
Le 10 Juillet 1940, la IIIe République se sabordait, accordant les pleins pouvoirs au Président du Conseil Philippe Pétain.
Ex-gloire de 14-18, ce maréchal borné allait pouvoir exprimer pleinement l’idéologie nauséabonde
qu’il avait si bien cultivée entre
les deux guerres : son État Français appliquerait avec zèle, et souvent dépasserait, les exigences de l’occupant.
Le 18 Octobre 1940, le ciel tomba sur la tête de M. Bloch : la loi du 3 Octobre 1940 portant statut des juifs était
publiée au Journal Officiel, et Marie apprenait qu’elle n’était plus une citoyenne française comme les autres,
mais appartenait désormais à une soi-disant “race” définie par les nazis : avoir trois grands-parents ayant fréquenté
les synagogues plutôt que les églises suffisait pour cela. Une seconde loi du 2 Juin 1941 allait abaisser le seuil
à deux grands-parents ; si ne c’était pas aussi sinistre, on pourrait en rire ... Elle n’avait plus le droit d’exercer
un métier qu’elle avait deux mois pour quitter et “faire valoir ses droits à la retraite”, en attendant bien pire
comme l’histoire allait bientôt le montrer.
Dès le 21 Octobre, le Recteur, que Vichy avait maintenu à son poste, demanda à
J. Dufay (Note 3)
de faire le nécessaire pour expulser ceux de ses collaborateurs qui étaient concernés.
La loi de 1940 prévoyait dans son article 8 la possibilité d’exemption pour des personnes particulièrement méritantes
- ce point étant évidemment in fine laissé à l’appréciation d’autorités supérieures nommées par Vichy - et dès novembre
le directeur de l’observatoire transmis un dossier au Recteur ; on y lisait par exemple :
Astronome fort expérimentée, observatrice infatigable, bien douée pour la recherche scientifique, Mlle Bloch a déjà publié
une soixantaine de notes ou mémoires [...] mais c’est surtout en spectroscopie que les services scientifiques rendus
par Mlle Bloch peuvent être considérés comme exceptionnels [...] Ces recherches sur les spectres des novæ devaient conduire
Mlle Bloch à une thèse de doctorat fort brillante et cette thèse serait dès maintenant achevée, si l’activité de Mlle Bloch
ne s’était orientée dans une autre direction, depuis la mobilisation. Requise civile par le Centre de Recherche Scientifique
Appliquée, Mlle Bloch a, dès lors, consacré tout son temps aux recherches intéressant la Défense Nationale [...]
elle l’a fait avec un entier dévouement et un ardent patriotisme. [...] Le départ de Mlle Bloch priverait l’observatoire
de l’un de ses meilleurs chercheurs ...
Le 4 Novembre 1940, Marie essaya de changer de cadre, de quitter l’Éducation Nationale dont on la chassait
(elle n’enseignait nullement d’ailleurs, mais les astronomes, même purement chercheurs, pouvaient appartenir à cette
institution ; c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, séquelle du lien originel entre universités et observatoires)
pour obtenir une bourse de Chargée de Recherche au CNRS.
Le 8 Décembre 1940, J. Dufay qui voyait à quel point il allait être difficile de s’opposer au départ de M. Bloch
la proposa même pour une promotion au choix de la 5e à la 4e classe des Aide Astronomes, et termina ainsi une
argumentation élogieuse : Toutefois, la présente proposition ne pourra être prise en considération que si Mlle Bloch,
fonctionnaire de race israélite, peut être maintenue en fonction par application de l’article 8 de la loi du 18 Octobre 1940.
Cet article prévoyait la possibilité d’une “suspension de déchéance” ... Rien n’y fit. Les oripeaux de la légalité
étaient là, mais ils ne dissimulaient pas l’idéologie qui était à l’œuvre : le 19 Décembre 1940, M. Bloch toucha
son dernier salaire d’aide astronome ...
Un an plus tard, elle tenta une dernière chose : obtenir une révision de son dossier
en arguant du fait qu’elle n’exerçait pas de fonctions d’enseignement, et n’avait aucun contact avec le public :
L’observatoire est un laboratoire de recherche et, de plus, isolé de la Faculté. Elle tentait ainsi - le croyait-elle
vraiment ? - de convaincre la police française qu’elle ne risquait pas de propager des idées séditieuses !
Mais malheureusement pour elle, derrière la façade légale, il y avait bien autre chose, une chose effroyable que son esprit
refusait certainement de toutes ses forces. Cette lettre du 29 Novembre 1941, adressée au Secrétaire d’État à
l’Education Nationale et à la Jeunesse, à Vichy, était signée Marie Bloch, ex-aide astronome à l’observatoire de Lyon,
place Maréchal Pétain, St-Genis-Laval ... Elle était accompagnée d’un certificat de moralité signé du Maire de Saint-Genis,
attestant que ... Mlle Marie Bloch [...] résidant dans ma commune depuis l’année 1920, n’a jamais eu aucune espèce
d’activité politique ...
M. Bloch allait toutefois réussir à passer la guerre entre St-Genis-Laval et Lyon, avec l’appui (à l’époque on aurait dit la complicité) de Maurice Duruy. Ce polytechnicien, membre du Corps des Mines, était depuis le début de la guerre fonctionnaire à l’arrondissement minéralogique de Lyon, délégué à la direction de la Compagnie du Gaz. C’est dans une entreprise d’achat en commun et de répartition du charbon pour les usines à gaz qu’il embaucha (et cacha) la jeune astronome ; elle y travailla du 20/12/1940 au 30/9/1944. Duruy avait entre-temps quitté Lyon, pour diriger les études à l’École Polytechnique entre 1941 et 1943. C’était aussi un astronome amateur passionné, presque professionnel, observant étoiles doubles et étoiles variables. Dans les années 20, installé à Nancy, il disposait d’un observatoire privé équipé d’une superbe lunette dont l’objectif atteignait 27,5 cm de diamètre. Ses observations étaient publiées dans le Journal des Observateurs, un périodique officiel de l’astronomie française, entre 1937 et 1944. En poste à Lyon, il fréquentait l’observatoire, et c’est sans doute là qu’il avait fait la connaissance de Marie Bloch. C’est seulement en Mars 1943 que paraîtra le décret admettant Marie Bloch à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 20 Décembre 1940 ; j’ignore comment elle aurait été censée vivre en attendant, si elle ne s’était pas vue proposer cet emploi.
Comme on s’en doute, si elle eut la chance inouïe d’échapper à la déportation, la vie ne fut pas sans dangers pour M. Bloch. Mme Grouiller racontait qu’un jour de 1944, trois miliciens étaient venus perquisitionner chez elle, et avaient tout mis par terre pour chercher des documents dans le bureau de son époux. N’ayant rien trouvé, ils l’avaient menacée, jetée sur un divan dans le bureau de son mari, lui avaient volé ses économies, quelques boites de sucre ... C'étaient des méridionaux, la bande à Dagostini, le bras droit de Barbie. Après leur départ, elle dût longuement consoler sa fille Annie, qui se mit à bégayer à partir de ce moment et mit trois ans à guérir. En sortant, sur le palier du second étage de cette petite maison, les miliciens virent la plaque au nom de M. Bloch sur la porte voisine. Ils tentèrent d'enfoncer la porte, pendant que Mme Grouiller feignait l'ignorance. Heureusement, M. Bloch, dont c'était l'heure habituelle de retour, était ce jour-là très en retard : elle visitait des magasins de Lyon en demandant si l'on n'avait pas trouvé ses clefs ! Quand elle rentra enfin, elle refusa de s'enfuir, et aida toute la nuit Mme Grouiller à remettre en ordre son appartement dévasté, derrière les fenêtres aveuglées ...
VIII - L'après-guerre
Cette ignominie allait avoir une fin : le 2 juin 1944 était constitué le Gouvernement Provisoire de la République Française,
et le 20 août Ph. Pétain s’enfuyait en Allemagne dans le sillage de ses maîtres. Il y aurait encore bien des soubresauts,
mais la France retrouvait sa liberté. Le 10 octobre de la même année, un arrêté réintégrait M. Bloch dans ses fonctions
à compter du 3 septembre. Mais Marie ne voulant pas mettre en difficulté l’entreprise qui l’avait sauvée, prit un congé
sans solde d’un an pour aider au retour à la normale dans cette société. Fin décembre 1945, pour retrouver la recherche
universitaire elle abandonna alors la situation - plus lucrative - qu’elle avait eu la chance de pouvoir se créer dans l’industrie.
Elle pouvait donc retrouver son poste d’aide astronome à St-Genis-Laval, poste occupé depuis le 1er janvier 1944 par Henry
Berthomieu (assistant à l’observatoire de Toulouse où il travaillait depuis 1933) en remplacement de M. Bloch “retraitée” !
Cette nomination résultait-elle d’une simple erreur administrative ? À cette sombre époque, tout était possible, même une
manœuvre pour interdire définitivement le retour de M. Bloch à l’Observatoire de Lyon ; en tout cas, ce n’était certainement
pas H. Berthomieu qui avait sollicité cette mutation, et d’ailleurs il n’avait jamais quitté Toulouse, avec l’accord des deux
directeurs. Le 30 décembre 1944 il était correctement nommé à Toulouse, libérant enfin le poste de Lyon.
Et puis la vie redevint normale ... En 1950, M. Bloch soutenait sa thèse de doctorat d’État à la Faculté des Sciences
de Lyon (Recherches sur les spectres de Nova Serpentis et Nova Cygni 1948). Le 1er janvier 1951 elle était nommée
astronome-adjoint, puis astronome titulaire en 1965, sur le second poste jamais créé en province pour ce grade prestigieux.
IX - Mademoiselle Bloch, personnage de l'OHP ...
L'OHP, grand observatoire de mission
Les observations, dans les observatoires français, se faisaient dorénavant en majorité à l’Observatoire de Haute-Provence créé par Jean Perrin, près de Manosque. C'était un observatoire de missions, organisé comme un outil national où les astronomes ne faisaient que de brefs séjours pendant lesquels ils bénéficiaient d'un ciel de grande qualité, après quoi ils retournaient dans leur établissement de travail où ils se livraient au dépouillement des données acquises pendant leur mission. L'OHP fut "décidé" en 1930, et devint opérationnel à la fin de la guerre.
Toute la carrière de M. Bloch après la guerre fut donc celle d’une astronome observatrice de cette époque : une mission à l'OHP chaque semestre, avec à chaque fois une moisson de plaques photographiques exposées avec les instruments ad hoc montés sur les télescopes de l’OHP. Le télescope n'est pour les astronomes qu'un collecteur de lumière, il faut ensuite recueillir l'énergie lumineuse dans un appareil capable d'utiliser cette énergie et de la traduire sous une forme stable et transportable. La lumière est recueillie là où elle est la plus concentrée, en un endroit qu'on appelle le foyer du télescope, où on adapte l'appareil en question. Le résultat peut être une image, ou un spectre c'est à dire le résultat de l'analyse des "couleurs" qui composent la lumière collectée. D'un spectre, un astrophysicien peut ensuite tirer des informations sur la composition chimique et les conditions physiques (température, pression, vitesse, ...) régnant là où la lumière a été émise.
M. Bloch et le T120
Pour chaque observation, M. Bloch utilisait un des télescopes disponibles à l'OHP, choisi selon la recherche à mener,
du 80cm au 193cm, mais essentiellement le 120cm (les télescopes se désignent par le diamètre de leur miroir principal,
aujourd'hui exprimé en mètres, mais à l'époque les télescopes étant plus petits on parlait en centimètres),
équipé d'un spectrographe à basse résolution appelé
"Spectro C" (Note 4).
Ce télescope et ce spectrographe (déplacés depuis l'Observatoire de Paris) furent les premiers mis en service à l'OHP, en 1943
et 1944 respectivement. Le Spectro C subit une cure de jouvence en 1954, avec l'ajout entre autres d'une structure
extérieure tubulaire destinée à le rigidifier, que l'on voit sur le cliché ci-contre.
Au coucher du Soleil, dans les allées serpentant entre les bosquets (chênes pubescents) de l'OHP,
on croisait M. Bloch qui se dirigeait à pas vifs vers sa coupole,
équipée d'un tablier dont la vaste poche kangourou était garnie de tout le matériel nécessaire aux observations
spectrographiques de l'époque : carnet d'observations, crayons, canif, ciseaux, pinceau chasse-poussière, loupe, tournevis
pour les réglages de dernière minute, et, surtout, cigarettes et briquet.
Le télescope 120 était un télescope dit de Newton, avec un miroir non percé et un poste d'observation situé sur le côté
de la tête (qu'on appelle aussi le foyer (Note 5)),
voir le cliché ci-dessus. L'appareil auxiliaire installé ici au foyer, non identifié, comportait un oculaire
permettant une observation visuelle directe à des fins de centrage, mais c'était le plus souvent le Spectro C.
La position de l'observatrice pouvait se révéler très inconfortable,
pendant des poses qui pouvaient être longues. Un marchepied spécial, motorisé, suivait à la demande la rotation horaire
du télescope, mais les postures étaient quand même parfois acrobatiques. Le 120 était justement réputé être le télescope le plus
fatiguant de l'OHP.
Lors de certains repas pris en commun au restaurant des missionnaires, comme lors des longues nuits d'hiver
où le temps incertain rabattait les observateurs sur la "Maison Jean Perrin" où étaient à leur disposition en-cas et boissons
chaudes, on racontait volontiers les petites mésaventures astronomiques, et plusieurs
évoquaient Mademoiselle Bloch au 120 (s7), comme celle qui suit.
Un jour où l'étoile pointée était dans une position inhabituelle sur le ciel, rendant l'accès au Spectro C
particulièrement délicat et la position de l'observatrice très contorsionnée, M. Bloch avait basculé par-dessus la rambarde
de l'escalier mobile, et n'avait évité une chute très sérieuse qu'en se rattrapant de justesse aux barreaux métalliques.
Jusqu'ici, rien de comique, mais ce qui avait laissé une trace dans la mémoire collective, c'était son comportement parfait de
dignité dans l'épreuve, comme elle en avait l'habitude. Accrochée à ses barreaux, elle avait calmement lancé à J. Dufay
qui observait avec elle cette nuit-là : Monsieur, je tombe !
De retour à St-Genis-Laval, M. Bloch mesurait les données enregistrées (des spectres) sur les plaques photo, avec les microphotomètres de l’Observatoire de Lyon. Suivaient quelques semaines ou quelques mois de réflexion, documentation et rédaction qui aboutissaient à la publication d’un ou plusieurs articles dans une revue professionnelle. Puis elle rédigeait, en s’appuyant sur ces résultats publiés, une nouvelle demande de mission qui était ou non acceptée, et le programme du prochain semestre était ainsi fixé ...
M. Bloch fut une astronome observatrice, c'est à dire qu'elle étudiait la lumière que nous envoient les astres pour identifier les processus physiques à l'œuvre, charge ensuite aux astronomes théoriciens d'édifier la théorie capable de modéliser cela. Inversement, les observations permettent de mettre à l'épreuve les modèles théoriques, de les valider ou non, d'en préciser les paramètres. C'est ce va-et-vient entre observation et théorie qui permet l'avancée des connaissances.
Cinquante-cinq ans de carrière
Dans sa longue carrière M. Bloch toucha à bien des domaines (certains ont été évoqués ci-dessus) rappelons-les brièvement :
- De 1920 à 1940, elle observa la surface solaire avec les petits équatoriaux.
- Pendant la même époque, avec le grand équatorial coudé, elle observa un grand nombre d'étoiles doubles pour déterminer leurs orbites.
- À partir de 1922, elle s'intéressa à la photométrie, visuelle tout d'abord, avec la création de l'AFOEV.
- En 1933, elle entreprit un programme de photométrie photographique, en utilisant la nouvelle chambre Zeiss dont s'était doté l'Observatoire. Elle en tira les courbes de lumière de certaines étoiles, en particulier des novæ. Ce fut le début de ce qui allait constituer toute la suite de sa carrière, et faire d'elle une des spécialistes françaises incontestées de l'étude des novæ, des novoïdes et des étoiles symbiotiques (Note 7).
- Dès 1936, d'abord avec les petits moyens de l'Observatoire de Lyon, puis avec les spectrographes modernes attachés aux instruments de l'OHP, elle contribua de façon importante à l'observation des spectres cométaires.
Marie Bloch était une personne de qualité, on l’aura compris, et ceci se traduisit de bien des façons : représentante
du personnel au Conseil des Observatoires de 1954 à 1965, plus de 150 publications, présence active aux réunions et colloques
de l’Union Astronomique Internationale, Prix Lalande de l’Académie des Sciences en 1960, etc.
À l’OHP, les astronomes en mission prennent leurs repas en commun, de jour comme de nuit ; tout jeune astronome, avant
que mes observations se déplacent vers de plus grands télescopes, sur des sites plus lointains, j’ai souvent croisé là
Mademoiselle Bloch, comme on l’appelait toujours. C’était une scientifique de valeur, aux vastes connaissances,
à la production impressionnante, et une personne d’un contact agréable bien que très réservée. Elle avait pour moi l’image
d’une personne un peu distante, légèrement surannée, qui fumait beaucoup trop ... mais avec une classe certaine.
Sur la fin de sa carrière, elle se liait peu, en particulier avec les jeunes chercheurs.
Notre collègue Madeleine Lunel racontait que dans les années 50, un jour
où Tcheng Mao Lin se félicitait en sa présence de l’afflux (tout relatif ...) de ces jeunes à l’Observatoire de Lyon,
il s’était entendu répondre : C'est bien, c'est bien ! Mais, il commence à y en avoir assez,
où voulez-vous qu'on les mette !
Il est enfin intéressant de noter que M. Bloch, qui avait dû surmonter le handicap d’être une femme dans une société bâtie
par et pour des hommes, resta toujours, sous des dehors assez impassibles, très sensible à la question de l’égalité des sexes.
A. Terzan raconte volontiers cette petite anecdote, qui remonte au début de sa carrière vers 1960, quand il travaillait
avec M. Bloch. Un jour, à la fin de la journée, celle-ci lui offrit de le conduire vers Lyon pour lui éviter l’attente
des transports en commun. Sur la route, un petit embarras de la circulation se produisit, et devant les évolutions osées
et discutables d’une autre voiture, A. Terzan ne put s’empêcher de s’exclamer : “Évidemment, c’est une femme !”
La réaction fut instantanée : M. Bloch s’arrêta sèchement, et d’un ton sans réplique possible lui lança : Descendez !
X - Le bout de la route
Marie Bloch prit sa retraite en Octobre 1972, mais continua à fréquenter régulièrement l’Observatoire, et à publier
ses résultats, jusqu’en 1975.
Elle décéda à Meyzieu le 1er Août 1979, après une longue et triste maladie qui lui fit perdre progressivement
son discernement ; elle repose à St-Genis-Laval, près de son observatoire comme elle l'avait souhaité.
Aujourd'hui, peu se souviennent d'elle, et très peu de personnes de l'Observatoire l'ont connu. Pourtant, si son parcours très particulier, fait de courage, de savoir et d'élégance, grâce à cet article, peut ne pas être totalement oublié, alors le but recherché est atteint.
Notes & compléments
Note 1 :
La défaite de 1870, la France avait signé le 10 mai 1871 et le 11 décembre 1871 le traité de Francfort
qui cédait à l'Allemagne victorieuse des territoires d'Alsace-Lorraine. Les textes prévoyaient la possibilité,
pour "les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés actuellement sur ce territoire,
qui entend[aient] conserver la nationalité française [...] de transporter leur domicile en France et de s'y fixer,
[...] moyennant une déclaration préalable faite à l'autorité compétente".
La décision devait être enregistrée au plus tard le 1er octobre 1872, les modalités en
furent précisées le 23 juillet 1871. C'était ce qu'on appelait l'option pour la nationalité française ou allemande.
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Note 2 :
Jean Dufay fut nommé aide-astronome à l'Observatoire de Lyon le 16 février 1929, astronome adjoint le 1er juillet 1931,
chargé de direction le 1er mars 1932 suite au départ de J. Mascart, et directeur de l'Observatoire de Lyon
le 1er octobre 1933. Il fut aussi nommé directeur de l'Observatoire de Haute-Provence en 1939.
Il est le véritable formateur de Marie Bloch (entre autres) à l'astrophysique.
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Note 3 :
J. Dufay, engagé volontaire et blessé de la première guerre mondiale, était un personnage de convictions,
sa voix était écoutée dans le milieu de l’Astronomie ; il avait été un des acteurs de la création du grand observatoire
national de Haute-Provence, dont il était le directeur. C’est lui qui avait fait basculer l’Observatoire
de Lyon vers l’astrophysique moderne, et accueilli de nombreux chercheurs étrangers.
Il était aussi un communiste convaincu. Il figurera d’ailleurs
sur une liste du PCF après la Libération, et A. Terzan se souvient l’avoir entendu chanter l’Internationale.
C'était un vrai résistant de la première heure. Madeleine Lunel m'appris un jour qu'il avait fait partie de ceux
qui embarquèrent le 21 juin 1940 à destination de Casablanca sur le Massilia avec Zay, Mandel, Mendès-France, etc.
avec l'idée de continuer là-bas le combat.
L'évolution de la situation politique le convainquit rapidement de la nécessité de son retour en France,
et les archives de l'Observatoire conservent le brouillon d'une lettre écrite au Recteur le 20 juillet
depuis Casablanca pour tenter de justifier cette "escapade maghrebine" qui aurait pu lui coûter très cher.
Son activité politique était discrète, mais allait sans doute assez loin, puisque d’après Evry Schatzman
des réunions du Conseil National de la Résistance eurent pour cadre l’Observatoire de Lyon (M. Lunel, communication
personnelle). E. Schatzman, en fin d’études à l’École Normale Supérieure début 1942,
se souvenait de la façon dont J. Dufay avait alors accepté de le cacher
à l’Observatoire de Haute-Provence qu’il dirigeait, sous une fausse identité. Il racontait avec émotion qu’il lui avait suffi
de se présenter à Lyon, quai Claude Bernard à la porte de l’amphithéâtre où Dufay donnait son cours, pour que celui-ci,
sans la moindre seconde d’hésitation, lui donne son accord (M. Lunel, et Picard, J.-F., Entretien avec Evry Schatzman, 24 Février 1987).
E. Schatzman partageait avec M. Bloch et tant d’autres cette “tare”
que l’État Français du Maréchal combattait avec férocité : des traditions culturelles différentes ...
C’est à l’OHP qu’E. Schatzman devait définitivement se tourner vers l’astrophysique, dont il allait devenir un des maîtres.
D’après Mme Grouiller, pendant la guerre, l'Observatoire de Lyon abritait souvent des personnes recherchées par l'occupant ;
elle se souvenait qu’une fois, les allemands arrivant, Mme Dufay était passée par le souterrain de la météo pour aller
prévenir quelqu'un. Divers indices donnent aujourd’hui à penser qu’au moins H. Grouiller était aux côtés de J. Dufay
un résistant actif, et son décès en 1943 dans des circonstances très suspectes (la police française ayant affirmé à son épouse
qu’il s'était grièvement blessé à la tête pour être ... “tombé sur une plaque d’égout” !) en fait partie.
En attendant, à l'Observatoire de Lyon, J. Dufay était décidé à tout tenter pour conserver sa jeune astronome.
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Note 4 :
Pour les personnes intéressées par la technique, voici un extrait de la description du spectrographe à basse dispersion
"Spectro C", publiée sur le site de l'OHP. Merci de consulter ce site pour avoir plus de détails sur cet appareil historique
aujourd'hui déclassé et sur le télescope de 120 cm :
Ce spectrographe, à un seul prisme de flint, a été le premier instrument utilisé à l'OHP sur le télescope de 1m20,
lui-même le premier télescope installé à St. Michel en 1943. [...]
Il a connu une très longue période d'activité, entre 1944 et 1974, servant à prendre plus de 4500 plaques.
[...] Cet instrument était utilisable dans plusieurs domaines de longueur d'onde,
allant de l'ultraviolet (4000 Å) à l'infrarouge (8700 Å)
avec la plaque photo comme détecteur. La dispersion était de 49 Å/mm à 3930 Å, 52 Å/mm à Hε, 77 Å/mm à Hγ, 120 Å/mm à Hβ
et 330 Å/mm à Hα. En 1954 il subit des modifications à Marseille pour améliorer sa stabilité (Boulon 1957, 1963).
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Note 5 :
En toute rigueur, le foyer du télescope et l'endroit où toute la lumière venue de l'objet observé (une étoile par exemple)
se concentre en un point, enfin, presque en un point. Selon l'arrangement optique du télescope, ce foyer peut se trouvers
en divers endroits : tout en haut, à l'entrée du tube, ou sur le côté de l'entrée si on a ajouté un miroir incliné pour le rejeter
sur ce côté (cas du télescope de Newton comme le 120 OHP), tout en bas si on a disposé à l'entrée un miroir axial
renvoyant toute la lumière vers le bas où elle passe finalement à travers un trou ad hoc pratiqué au centre du miroir
principal (cas du télescope de Cassegrain, formule très commune dans les télescopes modernes), etc.
L'habitude s'est installée de désigner par le terme "foyer" aussi bien le foyer optique dont on vient de parler que toute la région
du télescope qui environne ce foyer optique.
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Note 6 :
Un état des paiements de M. Bloch, signé de sa main, daté du 31 janvier 1925, est conservé dans les archives de
l'Observatoire conservées aux Archives Départementales du Rhône. Le Directeur J. Mascart paya à M. Bloch 230F par mois
entre le 1/9/1920 et la fin de l'année, sur fonds propres de l'Observatoire. Du 1/1/1921 au 31/7, une indemnité mensuelle
de 150F lui fut versée par l'État, que J. Mascart compléta de 80F, avec effet rétroactif à compter du 1/11/1920. Le 1/8/1921
l'indemnité d'État fut portée à 250F, complétés à 275F par le Directeur. À partir du 1/1/1924, M. Bloch toucha de plus 60F mensuels
de l'état d'allocation de vie, s'ajoutant aux sommes précédentes. Elle touchait donc en janvier 1925 une indemnité mensuelle
totale de 335F. Ses collègues de même niveau touchaient 200F (C. Bertrand), 335F (V. Barthélemy), 210F (R. Gindre)
et 280F (J. Gauthier, qui quitta le service en novembre 1924). Quelques années auparavant, pour comparaison, les études
de 2e année à l'école Technique coûtaient 600F annuels, et le Directeur gagnait quelque chose comme 30 à 40000F annuels peut-être
(c'était 12000F en 1890).
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Note 7 :
Les novæ sont des étoiles caractérisées par de brusques, importantes et provisoires augmentations de luminosité, qui peuvent être
récurrentes ou non. Les novoïdes sont des étoiles XXXXXXX
et les symbiotiques sont des étoiles dont le spectre présente une combinaison de caractères habituellement attachés
à deux types d'étoiles différents, et peut ressembler à un spectre de nova. M. Bloch attacha son nom à des objets comme
RS Ophiuchi (nova récurrente), DQ Herculis
(nova récurrente), nova Lacertæ 1936, T Coronna Boréalis 1946, nova Herculis 1960, nova Herculis 1963, et à la supernova
Humason découverte en 1960 dans la galaxie NGC 4496.
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Note 8 :
Encore heureux que l'administration ait refusé d'ouvrir la quatrième station qui avait été prévue par Ch. André
au sommet de La Paume, à Ampuis ! Comment l'Observatoire de Lyon aurait-il pu en assumer le fonctionnement ?
cf. lettre du Recteur à l'Académie de Lyon, le 12 octobre 1879, Archives de l'Observatoire
de Lyon, déposée aux AD du Rhône.
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Quelques sources
Source 1 :
Adam, Gilles, Marie Bloch, Histoire et petites histoires croisées, L'Araire, N° 174, Septembre 2013.
Accès à l'association L'Araire et à sa revue : http://www.araire.org .
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Source 2 :
Marie Bloch dût en 1941 produire son arbre généalogique aux autorités vichyssoises. Ce document est conservé
aux Archives Départementales du Rhône, dans le dossier Observatoire de Lyon. La déclaration d'option pour la nationalité
française avait été signée le 22 mai 1872 par son grand-père Meinard Bloch au Consulat Général de France à Genève.
Je n'en connais que la copie conforme datée du 5 septembre 1940. L'original doit se trouver aux Archives Nationales,
sous-série BB/31, articles 1 à 507, sans doute dans un des premiers articles puisque ceux-ci sont classés par ordre
alphabétique. Il n'y a heureusement que deux "Bloch Meinrad" dans la collection, d'après le site geneaservice.com
(payant, mais moins cher qu'un voyage en région parisienne).
Il existe un répertoire numérique dactylographié des articles BB/31/1 à BB/31/507.
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Source 3 :
Brémond, Alain, Histoire de l’observatoire de Saint-Genis-Laval, L’Araire, N° 169, pages 5 à 36, Juin 2012.
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Source 4 :
Formule simple mais percutante qui me fut soufflée dans les années 1990 par une étudiante de Lyon-1,
lucide, intelligente et un peu pessimiste, qui doutait des débouchés que ses études pourraient finalement offrir
à une jeune femme. Les choses changeaient, mais ... très lentement.
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Source 5 :
Voir l'article sur l'histoire de l'Observatoire de Lyon, sur le présent site.
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Source 6 :
Avec B. Rutily, et parfois M. Lunel, nous eûmes la chance de rencontrer (et aussi d'accueillir, pour des visites
privées de l'Observatoire), Mme Jeanne Grouiller (née Gauthier) et sa fille Annie, ainsi que Mme Antoinette Mascart
et son fameux époux chinois ! En résultèrent des heures extrêmement agréables et instructives, et c'est à Mmes Grouiller
et Mascart que nous devons la grande majorité des anecdotes évoquant l'ambiance de l'Observatoire
dans les années 1920-40 ...
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Source 7 :
Bien des données relatives à la carrière de Marie Bloch sont tirées de l'excellent discours prononcé par le directeur
de l'Observatoire Joseph-Henri Bigay, successeur de Jean Dufay, en 1972 à l'occasion du départ en retraite de M. Bloch.
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Source 8 :
Rayet, Georges, Lettre au directeur de l’Enseignement Supérieur, 28 Mai 1883, cité par Ph. Véron.
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Source 9 :
Guillaume, Joseph, Bulletin de l’Association Amicale du Personnel Scientifique des Observatoires Français,
1914, N° 10, cité par Ph. Véron.
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Source 10 :
Gauthier, Jeanne, épouse d'Henri Grouiller, Entretiens avec G. Adam, M. Lunel et B. Rutily, 1987.
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Source 11 :
Lettre du 7 Août 1916 de Picart, directeur de l’Observatoire de Bordeaux, au ministre de l’Instruction Publique.
Cité par Ph. Véron.
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Séléniens qui ont apporté leur concours à la création de cet article :
Gilles Adam, ...
Mise à jour du 13 février 2017