LOCALISATION DE LA SOURCE
D'UNE ONDE GRAVITATIONNELLE
I - Introduction
Un récepteur comme LIGO est sensible dans toutes les directions, mais sa sensibilité
est la plus grande quand l'onde arrive perpendiculairement au plan des bras, c'est à dire
par le zénith ou par le nadir. On est plus ou moins près de cette situation idéale selon l'endroit
où on se trouve sur la Terre et selon la direction de la source.
De plus, le diagramme de sensibilité est assez
complexe car il dépend non seulement de la direction de la source et
de la position géographique du détecteur mais aussi
de l'orientation des bras de l'interféromètre à la surface de la Terre.
Le niveau enregistré des signaux reçus n'a donc pas été le même à Livingston et à Hanford,
par une combinaison d'effets dont certains sont propres aux interféromètres
alors que d'autres sont propres à la source.
Alors, dans le cas de GW150914, peut-on localiser sur le ciel
la source d'émission des ondes ?
II - Exploitation des observations
© Séléné / GA, 2016.
Avec seulement deux récepteurs, il déjà est possible d'avoir
une information. En 10 ms l'onde irait de L1 à H1, mais le
signal qui vient d'être capté par les deux récepteurs l'a d'abord été par L1 puis 6,9
ms plus tard, seulement, par H1. Un petit raisonnement géométrique permet
d'en conclure que la ligne L1-H1 doit faire un angle de 46° avec la direction de la
source (car cos46° = 6,9/10), comme le montre la figure ci-contre (pour une raison de mise en
page, l'angle de 46° a ici été réduit à 30°). On comprend vite que la source est située quelque
part sur le cercle intersection de la sphère céleste et du cône de demi-angle 46°. Le calcul,
sans être totalement élémentaire, n'est pas très difficile à faire. Si on imagine une multitude
de sources réparties le long du périmètre de ce cercle, on sait donc que la source détectée le 14
septembre 2015 est l'une d'elles. Quelques-unes seulement de ces positions possibles sont évoquées
en vert sur le schéma, mais toutes les génératrices du cône correspondent à des
candidates valables, y compris celles qui sont souterraines : les ondes gravitationnelles sont à
peu près indifférentes à la présence de la Terre comme déjà signalé.
Si on considère une des sources (parmi l'infinité des possibles) figurées comme des étoiles
vertes sur le schéma, la flèche verte qui lui est associée représente
la direction de propagation de l'onde qui frappe la Terre, et l'onde elle-même si elle était
représentée devrait être un plan perpendiculaire à cette flêche verte. Pourquoi un plan ?
Parce qu'il s'agit d'une infîme zone d'une onde sphérique, centrée sur la source,
d'un rayon immense : la distance de la source à la Terre.
Vous pourriez dire que nous ne sommes guère avancés, compte tenu de la taille de ce cercle. Mais on peut aller plus loin. Pour cela, nous allons prendre en compte le fait qu'une source donnée ne donne pas la même intensité de signal sur L1 et H1, à cause de son orientation par rapport à chacun de ces deux détecteurs. Si on suppose qu'une source envoie un signal d'amplitude unité quand sa direction est perpendiculaire aux bras de l'interféromètre, selon l'orientation le signal sera plus ou moins proche de l'unité.
Dans l'observation récente, on remarque que le flux reçu par L1 est plus faible que celui de H1, alors même que L1 est plus sensible intrinsèquement que H1. Pour chaque source répartie sur le cercle, on peut calculer le rapport des sensibilités obtenues. Le calcul est assez compliqué. Il faudra rejeter tous les rapports qui donneraient un signal plus fort en L1 puisque ce n'est pas ce qu'on observe. On élimine ainsi la moitié du cercle. Par ailleurs, plus le signal est fort, plus il y a des chances de capter une source et il faut naturellement que les deux récepteurs captent le signal. On peut imposer une détection minimale simultanée sur les deux récepteurs, par exemple la moitié du signal nominal d'une unité. On s'aperçoit ainsi que la partie admissible du cercle se réduit alors à une toute petite région. Naturellement, on ne peut dire qu'il s'agit de LA région où se trouve à coup sûr la source, mais c'est la zone où la présence de la source est la plus probable. Plus on s'éloigne de cette zone, moins il est probable d'y trouver l'émetteur de GW150914.
III - Le résultat

© G. Paturel / Séléné, 2016.
Si de plus on suspecte que la source est située dans une galaxie, on peut chercher s'il y a une concentration de galaxies dans la région possible, ce qui rendrait la région encore plus probable. Et si par hasard un observateur a détecté dans cette région une émission par exemple de rayons X ou de neutrinos, au moment précis de la fusion des deux trous noirs, alors on tient l'emplacement de cet événement historique.
Le contour violet limite les zones
où la source a 90% de chances de se trouver.
© LIGO Lab / Axel Mellinger, 2016.
Pour terminer, voici à droite une image d'un autre calcul sur le même objet. On a superposé
le tracé des probabilités à une photographie du ciel, où on retrouve les étoiles de notre
Voie Lactée au premier plan ... Noter que la zone à 90% de probabilité doit renfermer
plusieurs centaines de galaxies toutes candidates à l'accueil de la source !
Séléniens qui ont apporté leur concours à la création de cet article :
Georges Paturel.
Mise à jour du 17 Mai 2016 (22h40)